Pendant longtemps, le recrutement a essentiellement consisté dans le remplacement de postes vacants, presque indépendamment des valeurs des candidats. Cette vision où seuls les intérêts et les besoins de l’entreprise prévalaient a cessé d’être pertinente. Pilar Antón Batiste, Directrice du capital humain chez Prodware en Espagne, nous livre son analyse.
Désormais, le recrutement ne se limite plus aux procédures RH habituelles. L’évolution et l’alignement des structures, des ressources et du capital humain dans l’entreprise sont devenus des priorités, bouleversant ainsi le processus de recrutement.
C’est le sens même du terme “recrutement” qui a changé : recruter n’est plus offrir des emplois, mais déployer une approche fondée sur l’expérience collaborateur. Là où on embauchait des employés, on tente aujourd’hui de séduire et d’attirer des talents.
Recruter par l’attraction
Il y a quelques années déjà, les DRH ont assisté avec surprise à l’apparition d’une génération de candidats leur donnant soudain la singulière impression que c’était à leur entreprise de passer sur le grill lors des entretiens de recrutement. Par le biais d’une inversion prenant à rebours les modèles éprouvés, c’était aux DRH d’être, d’une certaine manière, agréés par les candidats. Soudain, c’était à eux de faire preuve d’attractivité, plus encore que les candidats. Le monde s’était bien inversé.
Désormais, le facteur déterminant qui guide les candidats, c’est l’attraction exercée par l’entreprise. Et de fait, certaines compagnies manquant d’attractivité peinent à recruter. L’attraction est déterminée par un ensemble complexe de facteurs où la politique RSE est tout aussi importante que la puissance économique, où les conditions de travail d’aujourd’hui se révèlent plus déterminantes que les perspectives de carrière demain. Aussi, toute la politique de recrutement des entreprises s’est elle aussi inversée : il ne s’agit plus de proposer des emplois, mais de parvenir à développer de l’attractivité pour chercher la reconnaissance, et capter ainsi des talents. Fondamentalement, l’entreprise n’est plus en offre, elle est en demande.
Donner du sens
Après des années de présence plus discrète dans la hiérarchie des valeurs de l’entreprise, l’idée de marque employeur a refait surface avec force. Il s’agit d’une dimension devenue essentielle pour attirer les meilleurs collaborateurs qui trouvent à travers elle un sens à leur travail et dans leur travail.
Il convient ainsi de développer l’engagement de chacun en offrant des avantages qui dépassent l’aspect pécunier, mais également de faire preuve de transparence au niveau des salaires, des postes, des exigences, etc.
L’une des clés pour donner du sens est de traduire les besoins en missions, et de promouvoir de nouveaux modes de collaboration basés sur des objectifs communs.
Les ressources ne sont plus désormais jaugées sur leur temps de présence au bureau ou devant leur ordinateur, mais sur leur capacité à remplir des missions. De leur côté, les managers doivent donner du sens à ces missions en les rendant claires par une mise en perspective. Si ces missions ont du sens, les collaborateurs seront plus investis, engagés. En ces temps de pandémie, caractérisés par une tendance lourde vers l’hybridation du travail, le péril du désengagement est grand. Pour générer une dynamique positive, les entreprises et les Ressources Humaines ont plus que jamais besoin de managers dotés de soft skills tels que le charisme.
La lisibilité du projet d’entreprise par l’ensemble des collaborateurs est elle aussi déterminante. Sur ce volet, hautement stratégique mais trop souvent délaissé, les collaborateurs ont besoin de visibilité, de priorités, de jalons intermédiaires établis sur une échelle de temps, et d’une logique dans l’enchaînement de ces séquences.
Donner du sens, c’est offrir à chacun la vision de la place harmonieuse et irremplaçable qu’il occupe dans un ensemble au service d’une stratégie parfaitement identifiable.
Ainsi, la perception du rapport aux autres et la connexion à autrui dans l’entreprise se sont imposées dans toute leur importance. Formation et sentiment d’appartenance sont deux ciments de ce sens générateur d’attraction.
La formation est un moyen pour les entreprises de s’adonner à des activités et ateliers de team building qui mettent en relation les salariés issus de différences services. Tout est étudié pour attirer et retenir les talents.
Le sentiment d’appartenance est également déterminant dans cette logique où il s’agit de faire corps. Pour beaucoup de collaborateurs, l’objectif lorsqu’ils intègrent une organisation est d’apprendre énormément et rapidement tout en étant rémunérés convenablement. Ils espèrent pouvoir trouver un équilibre de vie, consacrer du temps aux loisirs, à la famille, aux amis, et aux sorties. Autant d’éléments qui ne sont pas sans rappeler le fameux discours express de Sundar Pichai, PDG de Google, où il souligne l’importance de la sphère personnelle.
Ils sont également motivés par le fait de se créer un groupe d’amis au sein de l’entreprise. L’idée est d’appartenir à une communauté réunissant dans un même lieu des salariés qui partagent des intérêts communs, pas uniquement professionnels. Parce que l’expérience des collaborateurs passe par un engagement accru, il est primordial pour eux de se sentir connectés à leur organisation. D’où l’intérêt de former une communauté, vecteur du sentiment d’appartenance à une entreprise.
Retenir les talents implique de changer d’état d’esprit, et d’essayer de créer une entreprise idéale tout en laissant la liberté aux collaborateurs d’en faire partie.
Mais, pour que ce sentiment d’appartenance puisse se développer, il est important de ne pas décevoir. Ce que l’on a promis au candidat pour qu’il nous choisisse, il faut qu’il le retrouve une fois devenu collaborateur. L’idéal est de ne pas avoir à retenir les talents mais qu’ils aient par eux-mêmes l’envie de rester et de s’épanouir dans l’entreprise. Travaillez dur pour que celle-ci soit perçue comme « the place to be ».
Et… soigner les entretiens de départ
Mais lorsqu’un talent décide malgré tout de quitter l’entreprise, il est très important de maintenir l’attractivité. Et ceci passe beaucoup par la réputation. Aussi contrintuitif que cela puisse paraître, il faut également prendre soin des collaborateurs qui partent. Ainsi, après avoir mis en place de nombreux processus tels que l’utilisation du social media et du marketing pour acquérir une certaine visibilité, communiquer sur les valeurs et attirer les talents, il est important de mettre en place des entretiens de départ.
Les entretiens de sortie servent à comprendre les raisons qui poussent les collaborateurs à quitter l’entreprise. Avoir une idée plus précise de ce qui compte le plus et le moins pour eux permet de travailler sur cet aspect, de réduire ainsi le turnover. Le but de cet échange est de faire part du soutien de l’entreprise dans la démarche du collaborateur pour rechercher un autre poste plus en accord avec ses ambitions professionnelles, et de lui indiquer que s’il souhaite un jour revenir sur sa décision, il sera toujours le bienvenu. Dans la mesure où les collaborateurs sont bien traités et évalués au moment de leur départ, ils pourront souhaiter revenir. Plutôt que de critiquer leur ancienne entreprise à l’extérieur, ils en parleront favorablement. Un point supplémentaire de réputation !
Repousser des frontières
Ces nouvelles méthodes de recrutement harmonisées avec les nouvelles conditions de travail montrent encore une fois que l’innovation consiste toujours à dépasser des frontières : ici, celles de l’entreprise autoritaire et verticale, celle du travail qui ne prend pas en compte le désir et la vraie vie des collaborateurs. Alors que c’est seulement en intégrant la vie dans le travail qu’on opère une innovation dont la finalité est une productivité augmentée par élévation du niveau de bien-être.
Alors, que les RH innovent, se renouvellent, repoussent leurs frontières ! C’est le prix à payer pour gagner en attractivité.
Article initialement publié sur Alliancy.