Qu’est-ce qu’un talent finalement ? Et, surtout, comment le reconnaître, l’attirer, le retenir dans ses filets et développer son plein potentiel ? Le terme « talent » fait partie des nouveaux buzzwords. Bien qu’un peu galvaudé, Il n’est cependant pas un simple effet de mode, mais il illustre un véritable changement dans les modes de relation entre l’entreprise et le candidat.
Longtemps résumé à un rapport de force défavorable au collaborateur, le processus de recrutement s’est transformé en rapport de considération, voire une relation de séduction. De plus en plus, les services RH empruntent d’ailleurs les codes du marketing. Le candidat au recrutement est appelé « talent » et, tel un prospect, il entre dans le champ des clients de l’entreprise par un process qui s’apparente à une méthode marketing appelée tunnel de conversion…
Ciblage : les talents, tu reconnaîtras
Auparavant, les recruteurs recherchaient essentiellement des candidats aux compétences techniques. Le terme « talent », élément central de la novlangue des DRH, recouvre aujourd’hui une réalité bien plus large. Cela inclut toute une panoplie de compétences techniques et opérationnelles (hard skills), mais aussi de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être (soft skills). C’est cette multiplication de compétences qui va trouver sa place dans l’entreprise. Avant « on avait du talent », aujourd’hui « on est un talent ». Superposition de l’être et de l’avoir, le terme désigne à la fois le talent que l’on a et celui que l’on est. Le registre a clairement changé.
Au-delà des compétences et des savoir-faire, le mot talent prend en compte le potentiel de l’individu, c’est-à-dire sa capacité à déplacer, pour les dépasser, ses propres frontières. Lorsqu’elle identifie un potentiel, l’entreprise imagine sa projection, son éventuelle progression au sein de son organisation. Le candidat idéal doit posséder en outre un certain savoir-être : bonne communication, appétence pour le travail en équipe, capacités d’adaptation… Le talent renvoie donc à quelque chose de rare et de précieux. Dénicher un talent est une opération complexe qui constitue désormais un enjeu majeur pour l’entreprise.
Attraction : avec la marque employeur, les talents tu séduiras
À partir du moment où le recruteur a réussi à attirer l’attention d’un talent, il entre dans un rapport de séduction capable de susciter du désir. L’entretien pour une éventuelle embauche sert par exemple à cela. Là où le candidat devait autrefois faire valoir ses qualités, dans une inversion radicale, c’est aujourd’hui à l’entreprise de séduire, attirer, fidéliser. Ce n’est plus au candidat de se vendre, mais à l’entreprise de le faire. Le recruteur a donc recours à une véritable stratégie marketing au sens large. Il met en place un plan d’actions pour nourrir, cultiver et faire fructifier le talent qu’il cherche à recruter. L’aura de la marque employeur joue évidemment un rôle crucial dans ce processus.
Ces dernières années ont vu émerger un besoin pour chacun de se sentir considéré. Le talent n’échappe pas à cette nouvelle exigence. On pourrait même dire qu’il en est l’une des illustrations les plus frappantes. En effet, sans le savoir, l’utilisation de ce terme renvoie à l’étymologie du mot « talent » qui, originellement, est une unité de poids. Et la considération n’est-elle pas une façon de signifier à une personne qu’elle compte, c’est-à-dire qu’elle a du poids dans une organisation ? Ainsi, là où autrefois être un poids pour une entreprise était profondément négatif (et cette considération précédait souvent le licenciement de la personne), le talent, lui, est désormais au contraire quelqu’un qui « pèse » positivement dans l’entreprise. Son apport est en effet censé changer les choses. Cette nouvelle perspective met très fortement en avant la notion d’individualité, c’est-à-dire de singularité. Il faut donc développer une politique RH « à la carte ». Pour l’un, il faudra beaucoup de télétravail, pour l’autre, ce sera de la reconnaissance…
Dès lors que l’entreprise emploie le mot « talent », cela implique des actions de sa part en retour. C’est ainsi que le « chargé des talents » qui remplace petit à petit le plus traditionnel « chargé de recrutement » met en place un ensemble de procédures destinées à signifier au nouvel arrivant son importance. Muni bien entendu d’un package attractif, le talent s’attend à un onboarding digne de ce nom. Aujourd’hui, on demande également aux nouvelles recrues de rédiger un rapport d’étonnement. Elles doivent d’emblée se positionner et donner leur avis sur l’entreprise (organisation, outils, missions , etc.). Ensuite, le talent s’attend à ce qu’on développe ses compétences avec de véritables parcours de formation et des certifications, d’autant que les technologies évoluent toujours plus vite. Il n’est donc plus seulement question de le recruter, mais aussi de le faire monter en compétences. Bref, le talent est accueilli comme une star, mais cela ne doit pas lui faire oublier qu’il est inscrit dans un collectif…
Fidélisation : les talents, tu retiendras
Attirer est une chose, fidéliser en est une autre. On le voit, l’objectif ne consiste plus seulement à recruter un talent, mais aussi à le faire fructifier, à lui offrir des perspectives pour lui donner envie de rester, mais aussi de se commuer en ambassadeur de la marque pour aimanter d’autres talents. Dans un échange plus équitable qu’auparavant, là où l’entreprise bénéficie des caractéristiques innées du talent, elle constitue désormais en retour une plateforme de développement personnel idéale pour développer ses potentialités et étoffer ses acquis. C’est pourquoi on parle d’attraction et de fidélisation des talents : les deux sont indissociables.
Le management de proximité et le management collaboratif sont les prolongements de cette politique RH de recrutement à la carte. L’entreprise doit mettre en place un accompagnement personnalisé du talent. Cela implique que son manager ait aussi du talent ! Il doit prendre le temps de le connaître, de déterminer ses points faibles et ses points forts, de le former, de l’accompagner, d’autant plus que ses motivations évolueront au fil du temps…
Une personne qui n’apprend plus dans une entreprise perd son talent. Manager par les talents nécessite donc de changer de paradigme. Dorénavant, l’entreprise doit conjuguer performances et bien-être. Cette notion de talent est l’occasion d’expérimenter ce qu’on pourrait appeler, pour reprendre une notion chère à Lévi-Strauss, « l’optimum de diversité » d’une entreprise. C’est-à-dire, sa capacité à accueillir des éléments singuliers qui vont modifier ses équilibres. Chacun, dans sa complémentarité, va participer à la création de valeur au service du collectif.
Article initialement publié dans Focus RH.