L’accélération de la transformation digitale, le contexte si particulier de ces deux dernières années, et les difficultés de recrutement contraignent aujourd’hui les entreprises à intégrer à leur culture des valeurs nouvelles comme l’empathie mais également la confiance, le respect et l’humilité. Ces nouvelles frontières du management sont nécessaires pour faire face aux enjeux des prochaines années, mais également pour adopter une démarche plus éthique et plus inclusive.
L’écoute plutôt que l’autorité
Dans un rapport publié en 2018 par Business Solver sur l’empathie au travail, 96 % des collaborateurs interrogés la jugeaient essentielle. Paradoxalement, 92 % d’entre eux pensaient que leur entreprise sous-évaluait son importance. Ces chiffres viennent souligner un puissant changement de paradigme au sein des entreprises. Ils mettent également en lumière les nouvelles attentes des collaborateurs qui revendiquent davantage de considération et d’implication dans les mécanismes de décision. L’époque du management descendant (top-down) où les managers se positionnaient en stratèges et où les collaborateurs n’intervenaient que pour exécuter semble révolue.
Faire preuve d’empathie en entreprise, c’est avant tout être capable de travailler en réseau, de briser les silos pour gagner en horizontalité. C’est aussi accepter de suspendre son jugement. S’ouvrir aux autres, être à l’écoute de ses équipes, et admettre qu’on ne sait jamais “tout” permet de réaliser que la somme des intelligences a davantage de puissance que sa propre opinion, fût-elle excellente. Redéfinir les nouvelles frontières du management au sein de son entreprise implique d’intégrer une culture du feedback forte et réelle. Tous les avis méritent d’être partagés et entendus pour favoriser l’innovation, l’agilité, et donc créer de la croissance et de la valeur.
Une éthique au service de l’expérience des clients
L’impact positif d’une approche éthique forte sur les performances d’une entreprise a été mesuré dans plusieurs publications, dont le LRN Benchmark of Ethical Culture. Menée auprès de milliers de salariés, cette étude montre que les entreprises dotées d’une culture éthique forte affichent des performances supérieures de 40 % aux autres. Ces qualités sont par ailleurs perceptibles à tous les niveaux de l’organisation : fidélité des collaborateurs qui peuvent ainsi devenir des ambassadeurs, capacité des équipes à innover et à s’adapter, croissance, mais aussi attractivité de l’entreprise et hausse de la satisfaction client.
Sur ce dernier point, les lignes ont aussi considérablement bougé. Face aux défis environnementaux et éthiques, les consommateurs modifient leurs habitudes et élèvent leur niveau d’exigence. Ainsi, la culture du feedback au sein des entreprises ne vaut pas que pour les collaborateurs. Elle est également devenue le nerf de la guerre côté client. Leur parler, les comprendre, et surtout les écouter pour percevoir leurs besoins réels, leurs attentes, voire les anticiper, est désormais un passage obligé pour toute entreprise souhaitant innover en proposant de nouveaux produits et services. Là encore, la transformation digitale a joué un rôle de catalyseur. À l’époque des avis en ligne et des réseaux sociaux, être entendu est désormais essentiel pour les consommateurs.
Encourager la prise de risque
Comment favoriser l’émergence d’une culture d’entreprise construite sur l’éthique et l’empathie ? Tout d’abord en donnant à chacun le droit à l’erreur et en autorisant les échecs. Auparavant, face à un revers, il était confortable et d’usage de désigner un responsable. On maintenait ainsi l’ensemble des collaborateurs dans l’idée que prendre des initiatives pouvait être dangereux. Désormais, il faut encourager la prise de risque et donc accepter, dans certains cas, l’échec en prenant la mesure de sa potentielle dimension formatrice. Cela passe notamment par la diffusion et la répétition du message qu’échouer ne signifie pas qu’on est un loser. En revanche, apprendre de ses erreurs, tirer les leçons, devient indispensable pour ne pas risquer de transformer l’erreur en faute. Ne plus considérer qu’un seul collaborateur est à l’origine d’un échec, c’est par la même occasion accepter de chercher la véritable source du problème.
La culture d’entreprise doit donc encourager la prise de risque et ce que les psychologues nomment flexibilité cognitive, à savoir cette capacité à apprendre en permanence et à mettre à distance ses certitudes personnelles pour rester souple et agile en toute circonstance. Le management en état d’apprentissage permanent est à l’heure actuelle essentiel d’autant que les marchés et secteurs évoluent de plus en plus rapidement. Des compétiteurs ou des startups peuvent surgir à tout moment en proposant de nouveaux business models. Apprentissage et agilité deviennent ainsi des modalités nécessaires au développement et à la croissance des entreprises.
En fin de compte, le terme “culture d’entreprise” est à prendre au sens fort que lui confère le mot “culture”. Auparavant, l’unique moteur des entreprises était d’enrichir ses actionnaires, c’était sa principale raison d’être. Avec la notion de culture d’entreprise, l’enrichissement est toujours présent, mais son sens a considérablement évolué. La valeur créée par l’entreprise est certes économique et financière mais désormais également sociale et sociétale.
A travers les valeurs qu’elle se donne, l’entreprise devient un acteur social à part entière avec des responsabilités, des droits, et des devoirs. Autant pour l’intérieur que pour l’extérieur, c’est-à-dire ses collaborateurs comme ses partenaires, l’entreprise a désormais une activité qui la fait plus ou moins participer à la fabrication du bien commun. En complément de ses produits ou services, elle fournit aujourd’hui à la société des valeurs qui peuvent être inspirantes, éducatives ou fédératrices.
“Culture d’entreprise” n’est donc pas un vain mot, mais une réalité concrète qui évolue en permanence. Elle doit en effet se nourrir de la culture des collaborateurs plutôt que les assimiler. Les assimiler équivaudrait à gommer des différences, à ce qu’ils abandonnent la richesse dont ils sont porteurs. Il faut au contraire faire évoluer sa culture d’entreprise en l’enrichissant par celle des collaborateurs dans un vaste élan de syncrétisme où empathie, éthique, apprentissage, ouverture d’esprit, confiance et transparence figurent désormais dans le logiciel des entreprises innovantes.
Article initialement paru dans cadre & dirigeant