Il est dedans et dehors : proche des collaborateurs et des services – réacteur de l’entreprise – mais aussi fin connaisseur de ses clients et de leurs attentes. Grâce à sa position transverse, le Chief Customer Officer replace le client au coeur de la stratégie et permet d’établir de nouvelles frontières avec le marché.
La satisfaction client n’est-elle pas le graal de toute entreprise ? Si, et pourtant. Soyons honnête : on peut parfois l’oublier. Bien souvent, nous sommes happés par la grande place prise par les tâches quotidiennes qui nous empêchent de prendre la hauteur nécessaire pour déterminer si telle ou telle action a de la valeur pour le client. Nous oublions ainsi parfois que la finalité du travail n’est pas d’accomplir des tâches mais de satisfaire le client.
Comment peut-on en arriver à cet oubli ? Derrière cette erreur de trajectoire, se cache un coupable : l’organisation en silo. Cette structure classique de l’entreprise, où chaque département navigue de son côté sans vraiment tenir compte des autres, est l’ennemi des expériences clients réussies.
Le Chief Customer Officer, parce qu’il abolit les frontières entre les services pour mieux repousser celles de la satisfaction client, est un atout de taille pour ne jamais perdre de vue l’importance essentielle de l’expérience client, et garantir sa qualité tout au long du parcours client. Sa hauteur de vue, sa connaissance des enjeux globaux lui permettent de s’assurer que le client reste la priorité de tous, du premier échelon au comité exécutif. Il décloisonne les services fermés sur eux-mêmes et impose un cap : celui de rester concentré sur son destinataire final. Il personnifie le fameux passage des 4P aux 4E, d’une culture d’entreprise orientée produit/qualité à une culture d’entreprise orientée client/expérience.
L’offre et la demande : l’oeuf ou la poule ?
Dans son étymologie latine, le mot client fait référence à une personne qui se met sous la coupe d’un patricien, qui devient dès lors son patron. Donc, si le client obtient ainsi protection, il se doit d’obéir et de jurer fidélité. Autant dire que la situation a bien changé.
Aujourd’hui, grâce à l’économie libérale et à l’avènement des libertés individuelles, cette perception du client n’existe plus. Les besoins et attentes des consommateurs ont évolué en même temps que les sociétés se sont émancipées. À l’exception de certains secteurs, le client d’aujourd’hui est parfaitement libre, indépendant, et en mesure de faire ses propres choix.
Au-delà des ventes, ne pas placer le client au centre peut donc se révéler très coûteux, avec des conséquences parfois irréversibles. A contrario, prendre le temps de bien écouter sa cible et ses consommateurs, c’est s’assurer de prendre le pouls du marché et d’être en phase avec les attentes de ceux à qui l’entreprise s’adresse. Comme l’écrivait déjà Adam Smith au 18? siècle, c’est en étudiant la demande qu’on développe la meilleure offre.
“Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent”
Pour l’attirer et le satisfaire, l’entreprise doit donc redoubler d’efforts. La première étape est simple : honorer sa promesse centrale, celle qui fait la différence entre une marque et une autre. Si un fast-food met trop de temps à servir ses clients, par exemple, il n’honore pas sa promesse de base, et, ce faisant, il ne fidélise pas ses clients. En revanche, cet engagement n’a aucun sens pour un restaurant classique qui, lui, devra honorer la promesse d’une certaine qualité gastronomique.
Contrairement à la maxime popularisée par Charles Pasqua, ancien ministre de l’intérieur de la Vème république, (“les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent”), la promesse engage bien sûr ceux qui la formulent. Le philosophe Thomas Hobbes mettait d’ailleurs cette certitude au fondement de sa philosophie politique : la promesse oblige celui qui s’engage, elle est même la fondation du contrat social et d’une organisation solide. Ne pas la respecter, c’est voir toute la structure s’effondrer. C’est un enjeu de ce type qui repose sur les épaules du Chief Customer Officer ! Il est le garant de cette promesse adressée au consommateur, base du contrat reliant les marques ou les entreprises et leurs clients, et qu’il cherche à faire respecter en toutes circonstances. Il doit aussi garder un coup d’avance en anticipant les attentes inconscientes que la marque peut susciter auprès de ses clients. Comment se positionner ? Faut-il être simple ou sophistiqué ? Personnalisé ou unique ? Pour ne pas passer à côté des envies de ses clients, prendre le temps de recueillir leur opinion est essentiel.
Parole, parole, parole
Les techniques ne manquent pas pour prendre le pouls d’un client. Les entreprises dont les éventuels clients frustrés ne disposent d’aucun moyen pour le faire savoir n’ont aucune excuse. Il faut donc absolument donner la parole aux utilisateurs et prospects. C’est pourquoi chaque étape doit pouvoir être évaluée sur tous les canaux de communication : de la sensibilisation au service après-vente, en passant par la vente et la réception de la facture.
Une méthode classique, mais éprouvée depuis la naissance du commerce : l’enquête de satisfaction. Plus besoin de papyrus, elle peut maintenant s’envoyer par mail, WhatsApp ou via un portail client. Largement pratiquée par les sites d’e-commerce, cette technique permet d’évaluer finement chaque commande et expérience client qui en découle. Lorsque ces retours sont visibles, ils permettent aussi de rassurer et d’aiguiller les futurs prospects. Un seul mot d’ordre à retenir : faire en sorte que le client puisse s’exprimer en toutes circonstances.
Qui est in, qui est out ?
Il existe aujourd’hui un large panel de techniques pour offrir une expérience plus sophistiquée et mesurer la performance des requêtes. L’inbound et l’outbound, par exemple, se révèlent d’excellents outils. Quand il s’agit d’inbound, l’option est laissée au client de poster un commentaire, d’envoyer un email, de cliquer sur un lien ou sur un smiley pour savoir s’il est satisfait. La demande doit être claire, l’exécution simple. C’est le cas, par exemple, dans les aéroports, où il suffit de cliquer sur un visage joyeux ou triste pour savoir si la propreté des lieux était celle souhaitée. Tous les outils de communication doivent en faire usage. Et ça tombe bien, c’est aussi simple qu’insérer un sondage dans une newsletter ou des messages pop-up sur un site internet ! Le meilleur moyen pour demander aux abonnés s’ils apprécient le contenu envoyé permet par ailleurs de pouvoir réagir vite en cas de problème.
De con côté, l’outbound demande plus de temps pour discuter avec le consommateur. Cela peut passer par la création de comités clients, où l’on co-crée l’offre de demain avec lui pour mieux comprendre ses enjeux et ses particularités. Dans ce cadre, affiner ses personas revêtune importance cruciale pour savoir précisément ce que chacun recherche et lui proposer un accompagnement personnalisé.
Au Chief Customer Officer ensuite de mettre en place un cycle de relation vertueux où la collecte des retours vient nourrir l’amélioration de l’offre.
Les collaborateurs-ambassadeurs
Attention, toutefois, aux efforts inutiles. Recueillir le feedback de ses clients sans profondément modifier la manière dont il est exploité en interne est sans doute pire que de ne rien faire. On lui donne en effet l’impression qu’on va l’écouter, il prend le temps de répondre et, si rien ne change ensuite, la déception est grande et la marque écornée. Le Chief Customer Officer a justement la responsabilité de faire évoluer la structure et la culture d’entreprise pour que l’obsession du client s’y reflète et irrigue l’ensemble des services. Sa mission est de changer les modes opératoires à tous les niveaux.
Pour injecter cette perception client, il lui faut trouver des promoteurs, autrement dit des collaborateurs convaincus que cette satisfaction est la principale priorité de l’entreprise. Ils vont venir porter cette conviction auprès de leurs pairs. Cette base d’ambassadeurs volontaires pourra, si leur prosélytisme est de qualité, entraîner dans son sillage les plus sceptiques et servir de relais dans leurs départements respectifs.
Ensuite, lier l’expérience client à des objectifs commerciaux est essentiel. Si la stratégie fonctionne et que les KPIs évoluent, la motivation sera plus grande pour les équipes, tout comme leur adhésion à cette nouvelle vision. C’est notamment le cas lorsque la direction se révèle frileuse ou réticente face aux postes transverses. Si l’obsession client est rentable (elle l’est toujours, pas seulement sur l’aspect financier !) et correspond aux objectifs de l’entreprise, il sera plus facile de convaincre et d’obtenir des financements.
Dans la tête de mon client
Former les équipes et rappeler en toutes circonstances l’importance de la satisfaction du client est aussi une étape cruciale. Cela peut passer par la manifestation physique du consommateur lors des réunions, en laissant une chaise d’une couleur différente, qui personnifie sa présence et rappelle à tous : qu’en penserait mon client ?
L’implication de chacun est nécessaire : tous les collaborateurs, même ceux qui n’ont aucun contact direct avec les clients (administration, logistique, etc.), peuvent avoir un impact sur la perception de l’entreprise. Placer cette perception au centre est déterminant, car le risque pour tous est de taille : celui de se réveiller trop tard, en étant passé à côté des évolutions de son marché. Ce fut le cas de Nokia avec les smartphones ou de Windows avec les systèmes d’opérations pour mobiles. Deux erreurs qui auraient sans doute pu être évitées, si le client et ses attentes avaient été davantage placés au coeur des préoccupations.
Le rôle du Chief Customer Officer bouleverse les habitudes, mais permet aux entreprises ambitieuses de rester agiles et de prendre les virages nécessaires pour s’adapter aux évolutions constantes de notre société. L’adage “le client est roi” n’est pas qu’une parole en l’air. Alors, tous royalistes ?
Article initialement paru dans RelationClient mag.fr