Le métavers est un nouvel espace inter-dimensionnel qui ouvre de nouvelles frontières. Il bouleverse la consommation mais aussi le concept même de consommateur.

Le metaverse est un espace de réalité virtuelle immersif caractérisé par une interactivité et une interconnectivité permettant de créer, de jouer mais aussi d’explorer de nouvelles formes de communication. Le jeu étant un secteur en forte dynamique, à la pointe de la technologie, il est un des points d’émergence de cette expression singulière : Fortnite regroupait près de 350 millions de joueurs en mai 2020, quand Battle Royale cumulait 3,2 milliards d’heures de jeu.

Le concept de metaverse repose sur le dépassement de l’opposition, ou de l’étanchéité, entre monde réel et mondes virtuels par l’établissement de passerelles entre l’un et les autres. C’est donc par la dissolution d’une frontière et par une fusion d’univers que s’ouvrent ces nouveaux horizons multiples, voire pour certains vertigineux.

Ce nouvel espace inter-dimensionnel ouvre de nouvelles frontières. Il bouleverse la consommation mais aussi le concept même de consommateur. Une figure inédite, complexe et hybride, à cheval entre plusieurs niveaux de réalité, y fait son apparition. Côté marketing, c’est évidemment une opportunité de tester l’efficacité de nouvelles stratégies et de déployer des moyens créatifs, commerciaux, sociaux mais aussi technologiques.

Naissance d’un nouveau consommateur

Le consommateur qui évolue dans le metaverse prend la forme d’un avatar : un personnage inventé à qui il va donner une certaine personnalité et apparence (pas forcément la sienne !).

Il crée alors une version simplifiée de lui-même. Sans nécessairement en mesurer toutes les conséquences, le consommateur produit de cette manière pour les marques un consommateur idéal. En effet, cette simplification, qui se résume à quelques traits saillants, est un levier redoutablement efficace pour le marketing. L’avatar n’a pas la même complexité que la personne qu’il représente, il est ainsi plus facile à cerner, à profiler, il est en quelque sorte préconfiguré pour des opérations de marketing.

Dans le metaverse, comme s’il était doué de vie, cet être numérique acquiert une relative autonomie de comportement. Ainsi, il est fort possible qu’en conjuguant temps passé dans le metaverse et addiction procurée par ces univers simplifiés et voués à satisfaire ses désirs, le consommateur s’efface progressivement derrière l’avatar dans une inversion singulière. Ce n’est plus l’avatar qui représenterait la personne mais le contraire : la personne devient l’avatar de son avatar. Le consommateur, c’est l’avatar. On peut donc parler de l’émergence d’un ” nouveau consommateur ” support d’un nombre infini d’opportunités de communication et de marché pour les marques. D’après Cathy Hackl, spécialiste de la réalité augmentée, on parle notamment de D2A : Direct To Avatar.

Des événements virtuels bien réels

L’événementiel est un terrain de jeu propice pour démultiplier cette nouvelle interaction entre virtuel et réel. Ses manifestations permettent en effet de cristalliser les éléments de communication d’une marque et de donner corps dans la réalité à un ensemble de signes par définition abstraits. Dans le metaverse, l’événementiel apparaît aujourd’hui comme l’une des principales modalités de passage – donc de production de valeur – entre virtuel et réel. L’évènementiel virtuel est en effet une façon très puissante de produire de l’expérience pour une communauté de consommateurs. Presque paradoxalement, cette immersion en réalité virtuelle, à condition qu’elle soit réussie, aide à perméabiliser la frontière entre réel et virtuel.

C’est une façon ludique de donner envie aux consommateurs-joueurs d’entrer en contact avec la marque, sans pour autant s’imposer de façon brutale dans leur environnement digital. Par leur interactivité, par le lien social qu’ils occasionnent, ces événements, pourtant virtuels, permettent d’associer des émotions réelles à l’image de l’annonceur. Le metaverse permet également de vivre des événements collectifs et de se créer, à travers des formats créatifs, innovants et engageants, des souvenirs communs en ligne.

L’inversion de la valeur

Le metaverse nous soulage du poids de la réalité : tout y est plus léger, plus fluide, plus simple. Tout s’y fait plus facilement. C’est un espace créé pour augmenter la circulation des flux nécessaires à la bonne marche du commerce. L’achèvement de cette logique trouve une forme de paroxysme quand certains attribuent plus de valeur à un objet virtuel que réel. Sur Roblox, Gucci a notamment vendu un sac virtuel au prix de 4 115$, alors que son ” avatar réel ” coûtait ” seulement ” 3 500$ en boutique. Au même titre que les NFT, pourtant digitaux mais qui injectent de l’unicité, l’immatériel, donc sans valeur tangible, deviendrait plus convoité que le réel, le palpable. Nous ne sommes plus dans une extension de la réalité mais dans une nouvelle réalité.

En revanche, lorsque Gucci propose des chaussures virtuelles à 13$, cela peut occasionner un souci d’image de marque en troublant ses codes habituels inscrits dans l’univers du luxe. Malgré le succès rencontré par la maison italienne avec son sac, on n’a d’ailleurs pas encore vu de marques communiquer ses performances financières liées à une activité promotionnelle virtuelle.

A travers les retombées sociales et émotionnelles générées par la fréquentation des metaverse, la clé de la réussite des marques réside aujourd’hui dans leur capacité à établir et exploiter cette continuité entre virtuel et réel. Désormais, on vend des actifs virtuels pour vendre des actifs physiques (et vice-versa). Il ne s’agit donc pas seulement de ” répliquer ” trait pour trait les produits et services proposés dans le metaverse, mais de faire preuve de créativité, d’exploiter les possibilités de développement de la marque sur ce nouveau médium

Cet univers virtuel à portée de casque s’imposera-t-il comme la nouvelle norme ? Mark Zuckerberg en est persuadé. Après avoir dégagé un budget de 10 milliards de dollars pour approfondir son projet de metaverse, il vient d’ailleurs de rebaptiser Meta la holding Facebook.

Tant le projet est technologiquement complexe, certains experts prédisent que nous sommes encore à des années-lumière de metaverse aboutis. Autre écueil à considérer, ces univers virtuels sont énergivores dans le monde réel, alors que la modération devrait prévaloir. L’Horizon, nom de l’espace idéal de l’utilisateur voulu par Zuckerberg et décliné en Horizon Home et Horizon Work, est finalement peut-être plus bouché que prévu.

Cette fuite en avant vers le virtuel ne serait-elle qu’une forme de déni, un aveu implicite de notre incapacité à réparer le monde réel ?

Soyons néanmoins attentifs d’autant que, presque imperceptiblement, nous sommes déjà passés d’une vie physique à une vie digitale. De la vie digitale à la vie virtuelle, il n’y a qu’un pas…

Article initialement paru dans e-marketing