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Et si le Prince était le parfait manuel du community manager? Dans une lettre à son ami Francecso Vettori, Nicolas Machiavel expliquait avoir écrit son opuscule en «recherchant quelle est l’essence des principautés, de combien de sortes il en existe, comment on les acquiert, comment on les maintient, et pourquoi on les perd ? ». N’y voyez-vous pas l’écho de votre dernière discussion avec votre community manager ou, si vous êtes community manager, avec votre responsable communication ? 

Et si Nicolas Machiavel travaillait dans la communication digitale ?

De l’œuvre de Nicolas Machiavel beaucoup retiennent l’épithète « machiavélique », synonyme de perfidie, d’hypocrisie ou d’immoralisme mais revenons à ses débuts. Nicolas Machiavel est né à Florence en 1469, une époque dominée par les Médicis. Rapidement promu dans les hautes sphères florentines, il est au service du gonfaloniere élu de la République Florentine, Pier Soderini. Il rencontre notamment Cesare Borgia ou encore le roi de France, Louis XII. C’est donc un homme rompu à l’exercice du pouvoir.

Soupçonné de complot, il est mis à l’écart par la famille Médicis en 1512, puis exilé à Sant’Andrea in Percussina où il écrit le Prince. L’objet de cet « opuscule », central dans la philosophie politique, est un manuel de l’exercice du pouvoir à destination des princes et des rois. Il le dédicacera d’ailleurs au Prince de Médicis.

Construite en 26 chapitres, cette œuvre didactique dresse une sorte degénéalogie de la communication de marque, dont le community management est une partie. Les premiers chapitres dénombrent les différents types de « principautés » ou d’« Etats », que l’on pourrait comparer auxcommunautés d’internautes sur les réseaux sociaux. S’en suit une partie sur les liens que doit entretenir un prince avec ses concitoyens, une illustration de la stratégie de contenu ? Enfin, la dernière partie s’arrête sur les ressorts qui permettent au Prince de conserver son Etat et ses concitoyens avec des titres éloquents comme « Comment les princes doivent tenir leur parole » ou« Comment doit se conduire le Prince pour acquérir de la réputation ».

Autant de chapitres faisant sens par rapport aux missions du community manager. Personnage central du déploiement d’une stratégie de marque, il  a en effet pour objectifs de construire et d’animer des communautés autour des marques. Fin connaisseur des réseaux sociaux, il en maîtrise les us et coutumes. L’engagement ne se faisant pas sur commande, il doit également être un habile psychologue.

Le community manager est-il pour autant machiavélien ?

Le Prince est un community manager

 Il doit maîtriser l’art de la guerre. Grâce à son art de la guerre, le Prince machiavélien sait s’adapter aux circonstances : « Tous les princes ont vaincu les armes à la main ou ont péri étant désarmés ».

L’art de la guerre pourrait illustrer l’arme majeure du community manager : l’art de la modération. Savoir parler aux membres de sa page Facebook ou de son fil Twitter, revient à respecter les codes et les normes et, parfois, manier l’humour. Combien de marques ont perdu la bataille du bad buzz à cause d’une modération déficiente ?

Il anticipe et saisit les opportunités. Pour Machiavel, vertu politique et morale permettent de lutter contre les aléas de l’histoire. C’est uniquement ainsi qu’il parviendra à se prémunir du futur : « La fortune ne change que pour ceux qui ne savent pas se conformer au temps ». Il en va de même pour le community manager. Véritable prince de sa communauté, il doit anticiper les évènements marquants de l’actualité, de l’entreprise, pour les proposer et les accommoder, non pas au goût du jour mais aux goûts des membres de sa communauté. Ce travail de planification lui permettra de ne pas subir les foudres de son responsable ou de son client courroucés par des résultats calamiteux en termes d’engagement.

Il se méfie de ses rivaux pour mieux contre-attaquer. Selon Machiavel, « La soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’Homme ».Le rapport avec les Etats voisins est placé sous le signe de la méfiance, il convient d’attaquer avant d’être attaqué. Il existe des communautés de community manager permettant à chacun d’échanger sur les bonnes pratiques, d’identifier ce qu’il faut faire et ne pas faire. C’est un premier espace qui permet au community manager machiavélien d’analyser l’état de l’art chez ses « rivaux ». Rester sur ses gardes est aussi un bon moyen pour le community manager d’entretenir constamment la dynamique de l’engagement.

L’internaute est le concitoyen d’une marque, le membre d’une communauté qui, grâce au Web, possède une liberté de parole exigeante, nécessaire mais difficile à appréhender. Pour le Prince, cet art de la politique lui permet de garantir le maintien de son Etat, pour le community manager l’avenir de son entreprise. Si l’avenir d’une entreprise dépend des internautes, ces derniers ne seraient-ils pas devenus les nouveaux Princes ?