L’employee advocacy génère, par ricochet, de nombreuses opportunités pour les entreprises : développer sa notoriété, la protéger en cas de crise, par exemple. Elle déterre aussi quelques vieux démons, comme ce diable d’engagement. A l’heure de la transformation numérique et des futurs du travail, quelles sont les composantes du lien entre un collaborateur et son entreprise ? Qu’est-ce qui lui donne envie de participer à son rayonnement, sur les réseaux sociaux ? Il est temps de dépoussiérer la notion d’engagement à grands coups d’employee advocacy.
L’engagement : disparaître pour mieux réapparaître ?
Une notion en voie de disparition. Selon une étude de novembre 2017 de l’Institut Gallup, en France, seuls 6% des salariés se disent engagés. Quant aux managers, avec 8%, ils ne font guère mieux. Évidemment, le bon sens nous invite à prendre ces chiffres avec des pincettes. Ils varient en effet en fonction de plusieurs éléments comme le rayonnement culturel de la marque. Des marques comme Coca-Cola ou Apple développent naturellement un sentiment d’appartenance, une fierté. Toutefois, ne perdons pas de vue notre analyse. L’engagement est en perte de vitesse. Pire, il devient presque anecdotique pour la génération des « bullshit jobs » décrite par David Graeber. Le succès de ce livre est d’ailleurs symptomatique quant aux difficultés des entreprises à ré-enchanter le travail.
Une notion trop complexe, perdue dans l’espace-temps des futurs du travail. Pour penser l’engagement, il n’est jamais inutile de rappeler quelques points de définition. Il existe trois niveaux d’engagement : moral, de loyauté, dit normatif ; émotionnel, dit affectif et, enfin, calculé, dit continu, qui correspond au calcul des avantages à rester dans l’entreprise au lieu de la quitter. Aussi, on confond souvent engagement et bonheur au travail. C’est pourtant bien plus complexe. L’engagement est un état psychologique qui caractérise la relation entre une entreprise et son collaborateur.
Et comme tous les états psychologiques, il est fragile, affaibli par les coups de butoir de la transformation du travail, des à-coups disruptifs et, plus globalement, des mutations sociétales comme la massification des fake news, la crise de la démocratie représentative…
Et si l’employee advocacy, mode pour certains, nouvelle matrice de communication interne comme externe, pour d’autres, était un moyen de reconstruire la notion d’engagement ?
L’employee advocy, nouveau psychothérapeute de l’engagement ?
L’effet de mode autour des programmes ambassadeurs est bien derrière nous. Allons directement aux résultats de l’Entreprises et Médias*, véritable sismographe des pratiques des directeurs de la communication pour nous en assurer. Nous y apprenons en effet que 54% des directeurs de la communication interrogés sur l’Employee Advocacy ont déployé un projet concret. Mieux encore, ils sont 94 % à souhaiter le faire à moyen terme. C’est un bon début, nous sommes donc passés de la théorie à la pratique.
Toujours selon cette étude de référence, on y découvre les différents bénéfices de l’employee advocacy : renforcer la réputation des entreprises, développer sa marque employeur ou encore prévenir les risques de crise. L’expérience nous montre également que ces programmes permettent de décloisonner l’entreprise, de mieux faire circuler l’information entre les différents services et, parfois, de découvrir des ambassadeurs pas forcément identifiés au premier abord.
Alors, vous me direz que tout cela reste éphémère, qu’après quelques semaines, quelques mois, il faudra renouveler la communauté d’ambassadeurs initialement prévue dans le programme, répéter les mêmes formations, les mêmes campagnes d’engagement avec ou sans plateforme technique. Oui, en partie. La « marteauthérapie » demeure un remède efficace pour lisser les effets du changement.
Mais avant, il me semble important de s’arrêter, vraiment, de prendre du recul sur les liens qui unissent l’entreprise et les collaborateurs, et de voir comment mettre l’employee advocacy au service de leur consolidation.
Emmanuelle Joseph-Dailly, en charge des transformations managériales et des nouvelles organisations du travail au sein du cabinet de conseil Juhliet-Sterwen, explique pourquoi il faut réinventer la notion d’engagement. Mesuré à partir de critères devenus obsolètes, l’engagement demeure une quête de sens et « devrait pouvoir rimer avec audace, imagination ou envie d’entreprendre ».
Non, l’employee advocacy ne permet pas de réhabiliter la notion d’engagement, l’employee advocacy permet de renforcer les liens qui unissent l’entreprise et ses collaborateurs, des liens qu’il faut construire et laisser infuser longtemps pour leur donner du sens.